Comme il lui restait de la nappe, notre héros a décidé de bien rigoler, car il avait encore un projet en tête. Et celui-ci, il remontait au plus loin de son enfance. 

En arpentant chaque nuit les rues de sa ville, caquette vissée sur chevelure bouclante, il allait forcément le trouver son spot. Oui un mur de plus à combler d’un botero, et en cette nuit de septembre, par un ciel dégagé, guidé par l’étoile polaire, aussi nommée polaris (d’ou le polaroïd non ?), il arriva tel Balthazar ou Gaspard au pied du spot terrible. C’était là forcément. 

Et tout joyeux de retour chez lui, il s’adressa à sa nappe et lui tint à peu près ce langage : 

Nappe blanche, nappe de la création, n’a pas tout fait encore, n’as tu pas envie de vivre et rougir ?

Après ces mots, il se mit à la tache. 

Mais de quoi allait-il s’agir ?

Je vous situe le contexte. 

Vous avez tous chez vous un petit pull ou un tee-shirt marin hein ! Non ? Mais arrête ! Ça c’est la pièce à avoir dans toute garde robe, c’est intemporel. 

Depuis tout petit, comme il est très fashion, notre héros en avait un. Il peut vous conter pendant des heures la vraie histoire du pull marin. Durant ces vacances annuelles en Bretagne, il ne cessait de compter les rangs sur tous les pulls qui croisaient son chemin pour vérifier si c’était un vrai. 

C’est peut-être de là que lui vient son amour des chiffres ou de la brocante aussi ?

Juste pour un rappel cher lecteur, mais je suis sure que tu le savais ; c’est en 1858 qu’un décret du Bulletin Officiel des armées introduit dans la liste des uniformes de matelots de la marine nationale le tricot rayé bleu et blanc. 

« 21 raies blanches larges de 20 mm et 20 ou 21 raies bleues larges de 10 mm ». Pour les manches, le tricot doit comporter « 15 raies blanches et 14 ou 15 raies bleues ». 

Pour l’uniforme de marin, parler de raies, ça devient culte non ! 

Pour la petite histoire, il semblerait que ce tee-shirt marinière ait été rayé parce qu’il était ainsi plus facile de repérer un homme à la mer. Bleu marine sur bleu océan, je ne suis pas sure de ce résultat mais en même temps, je n’ai jamais tenté. Je note de pousser quelqu’un à la mer en marinière très prochainement pour vérification personnelle. Toujours avoir en soi un esprit de vérification de ses dires.

L’âge avançant, notre héros avait toujours gardé une affection toute particulière à tous les personnages dotés d’un pull marin et guettait inlassablement tout ce qui était en rapport avec cette pièce de tissu. Joie éternelle a t-il reçu lorsque Jean-Paul a mis à l’honneur la marinière en 1978 ; soleil au cœur avec le premier album Où est Charlie, édité pour la première fois en 1987 ; et tout récemment, avec Arnaud et son mixer en Une du parisien. Et oui, ce n’est pas le mixeur qui s’est vendu juste après, ce n’est pas non plus Arnaud qui a bondi dans les sondages et non la gagnante, c’est la marinière avec un boom de ventes de 75 %. L’impact de la marinière sur le genre humain, il le savait depuis tout petit qu’il était immense. Intemporel cette marinière, je vous dis. 

Aussi, depuis un bon moment, notre héros voulait mettre un petit Waldo à l’honneur. Pourquoi Waldo, parce que lui, il avait une marinière rouge et que c’était ça l’esprit rebelle !

Enfin un grand Waldo car le botero allait être grand format. 

Où est Charlie ? (Where’s Wally? Au Royaume-Uni et en Australie, Where’s Waldo? aux Etats-Unis et au Canada en anglais) est une série de livres-jeux britannique créée par Martin Handford où le lecteur doit réussir à retrouver un personnage, Charlie, à l’intérieur d’une image. La difficulté vient du fait que les endroits où se trouve Charlie sont très colorés, et surtout remplis de personnages et d’objets divers. Il y a également d’autres personnages déguisés comme Charlie, ce qui augmente encore la difficulté. 

Esprit de contradiction oblige, notre héros ne voulait pas entrer dans ce jeu là. Entrer dans le monde de « je te cherche, t’es où, tu me trouveras pas, mais si je suis dans le placard ». Non merci pour lui. ce qu’il voulait lui, c’est mettre à l’honneur son Waldo et vraiment à l’honneur. 

On déroule la nappe ; on fait le Waldo avec juste son bonnet et sa belle marinière rouge et blanche et on appelle ses potes pour coller. 

Alors les potes débarquent chez lui. Il y avait une légère appréhension dans l’air suite à l’épisode des boteros killers mais là avec Waldo c’était : cool, tu l’as trouvé !

Un peu facile celle-ci.

Donc, tous en jeep avec non seulement, la colle, le botero, les baskets, la casquette, le téléphone, les clés de la baraque, les clopes, mais aussi l’échelle. 

Et oui, botero prend de la hauteur ! Et pour un héros qui a le vertige, rien que de toucher une échelle, il a de drôles de sensations ; et cette sensation ne s’appelle pas un coke !

Rien que de voir cette échelle sur le toit de sa jeep, il a des sueurs froides. Pour la première fois depuis le début de ces collages, il se lance un vrai défi. Le défi de coller un botero à 4 mètres de hauteur avec juste une échelle et le rebord d’une façade avec son petit balcon. Mais pourquoi il s’impose ça ?

Pour vous ! Pour ces followers, pour mettre de la joie dans sa cité. 

Le vrai sacrifice du héros il est là. C’est beau et c’est chialant. 

Donc arrivée sur place de la petite bande, les potes éclatèrent de rire, ben oui le spot était tellement bien trouvé pour coller ce botero que c’était toujours aussi merveilleux de suivre ce héros. Vous avez vu comment on se rapproche grandement du mythe que je vous avez évoqué dans l’introduction ! J’ai le nez fin !

Donc déballage du matos. 

Notre héros fumait donc une clope avant l’escalade pour essayer d’évacuer le stress procuré par cette échelle mais c’était no way. La peur était présente et la clope se termina en un clope. Son pote le plus téméraire le regardait avec attention et devinait son problème. 

Alors au lieu de le motiver à grimper pour poser lui-même son bot’, il prit les devants et demanda à son maître s’il pouvait réaliser cela. Notre héros accepta. Son pote escalada la façade puis se posa sur le petit rebord au niveau du balcon. Et notre héros, tel un maître d’œuvre, gravit toutefois l’échelle et se positionna à son sommet avec les deux mains bien rivées à l’outil. Ne regardant pas en bas, ne parlant pas avec les mains, il guidait avec juste sa voix son arpet !

C’est quand-même un peu balot d’avoir le vertige quand on exerce cette passion. En plus il a de supers lieux en hauteur ou le botero pourrait être de toute beauté. D’où la nécessité de s’entourer de bons potes grimpeurs. 

Alors les directives étaient posées. Il fallait faire vite car la rue est quand-même passagère et le temps que notre héros descende de l’échelle et parte avec sous son coude, sous son bras ou dans sa main, ce n’était pas aussi facile qu’un simple collage. Mais tout se passa bien. Le Botero Waldo était plus qu’à sa place. On va dire limite qu’il manquait depuis toujours à la façade de cette boutique qui se prénommait : trouvé.

Et oui, imbattable sur ce coup-là !